KEYSERLING (H. von)

KEYSERLING (H. von)
KEYSERLING (H. von)

KEYSERLING HERMANN VON (1880-1946)

Né à Könno, en Livonie, le comte de Keyserling appartenait à une vieille famille de la noblesse allemande installée dans les provinces baltiques. Lorsqu’il meurt, âgé de soixante-six ans, à Innsbruck, il a parcouru toute la planète et longuement visité l’Inde, la Chine, le Japon, l’Amérique. L’immense succès du Journal de voyage d’un philosophe (Reisetagebuch eines Philosophen ), commencé en 1913, mais terminé en 1918 et publié en 1919, lui a sans nul doute donné le sentiment d’une mission à remplir. Elle a été accomplie avec la création, à Darmstadt, en 1920, de l’école de Sagesse dont les publications — les cahiers du Weg zur Vollendung et les annales du Leuchter — ont contribué à répandre la philosophie de son fondateur.

On peut aujourd’hui s’étonner du concert d’éloges qui a accueilli chacun des livres de Keyserling, notamment en France où la quasi-totalité de l’œuvre postérieure au Journal a été traduite et les idées qu’elle développe de bonne heure étudiées, en particulier par M. Boucher (La Philosophie de Hermann Keyserling , 1927). On y relève, en effet, et singulièrement dans les trois ouvrages écrits directement en français — La Vie intime , La Révolution mondiale et les responsabilités de l’esprit , L’Art de la vie —, des considérations faciles sur le conflit des générations, le «désordre fécond», la nécessaire union de la pensée et de la vie, etc.

On y retrouve également nombre de thèmes dont la constante récurrence dans la pensée allemande a été admirablement dégagée par E. Vermeil (L’Allemagne. Essai d’explication , 1945). Mais s’y ajoutent de brillantes réflexions sur le destin de la civilisation occidentale — Le Monde qui naît (Die neuentstehende Welt , 1926) —, la richesse de la culture orientale, les «figures symboliques» — Schopenhauer, Spengler, Kant, Jésus le Mage (Mensche als Sinnbilder , 1926) — et surtout des analyses pénétrantes du monde moderne — Analyse spectrale de l’Europe , Psychanalyse de l’Amérique , Méditations sud-américaines —, qui ont pu fasciner les intellectuels européens entre les deux guerres.

Issue d’un besoin d’universelle compréhension, la philosophie de Keyserling est moins un système qu’un style de pensée. Elle se veut connaissance active, «compréhension créatrice», en prise sur un cosmos spirituel conçu comme agencement de tous les sens possibles. Elle refuse l’abstraction aussi bien que la discussion qui implique protestation et prétend ne valoir que par la qualité des intuitions qui la fondent. Elle vise, enfin, une renaissance spirituelle par la restauration des pouvoirs de l’âme et un redressement de la conscience par la conversion du «savoir» en «compréhension».

Telles sont les principales orientations de cette métaphilosophie exposée dans Connaissance créatrice (Schöpferisches Erkenntnis , 1922), qui est, avec Renaissance , l’ouvrage fondamental de l’école de Darmstadt. Aux yeux de son auteur, la philosophie doit devenir pleinement sagesse et le philosophe un mage. Comme Goethe, dont il se réclame, il attache plus de prix aux disciplines intérieures qu’aux réussites de l’intelligence; lui-même se dit «essentiellement improvisateur, Gelegenheitsdichter , poète de circonstance».

Le vrai sage, cependant, ne vit pas retiré du monde; il a l’intelligence de la vie; c’est un réalisateur. Il aspire à diriger le réel selon l’esprit, en inversant la tendance du «siècle des machines », qui a renoncé à l’être pour le connaître. Il veut instaurer la sagesse dans l’économique — car c’est là que règnent les puissances qui enchaînent l’homme — en le traitant comme un organisme. La vocation de l’Allemagne pour la réalisation de cette tâche est évidente: c’est sur son sol qu’est éprouvée la tension la plus forte entre l’habileté technique et la vie intérieure, c’est donc par son peuple que l’Europe en sera délivrée, car son «concrétisme», à la différence du «concrétisme américain» de caractère mécaniste, est d’ordre «biologique ou vitaliste».

On distingue assez bien quel pouvait être le danger de cette quête, entreprise par un métaphysicien-né, d’une connaissance capable «de réfléchir un Grund aussi profond que la musique de Bach». En voulant, à l’instar de Carl Gustav Jung — le «grand psychologue suisse» qu’il a fréquemment cité et qu’il invita, en 1927, à son école de Sagesse —, retrouver des figures stables dans la profondeur des couches spirituelles et repérer les rapports qu’entretient l’esprit avec les «contingences telluriques», Keyserling devait rencontrer, comme il l’écrit dans sa Préface à la seconde édition française (1941) de Diagnostic sur l’Amérique , « les idées de l’âme nationale, du Sang, de la Race, du Sol habité et humanisé, de l’enracinement enfin des traditions [qui] conduiront certainement à des réalisations sur le plan des faits matériels» — c’est-à-dire les idées et les réalisations du national-socialisme.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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